Auteur

COUTURE Thomas

Dates de l'auteur

Senlis, 1815 ; Villiers-le-Bel, 1879

Titre

Saint Rieul

Datation

1860 entre ; 1869 et

Matériaux et techniques

peinture à l'huile, toile

Dimensions

H. 3,00 ; l. 1,33 m (oeuvre) ; H. 3,27 ; l. 1,548 m (cadre)

Inscriptions

Monogrammé b.g. : T.C.

Lieu de conservation

Musée d'Art et d'Archéologie

Statut

propriété de la commune ; Senlis ; Musée d'Art et d'Archéologie

Numéro d'inventaire

A.00.6.166

Historique

En sous-louant à Couture la chapelle du palais épiscopal pour en faire son atelier, la Fabrique de la cathédrale s’engageait à régler les travaux nécessaires à l’adaptation du lieu qui avait servi de magasin à fourrages. En échange, l’artiste proposa de peindre un tableau pour décorer une des chapelles de la Cathédrale. Ce devait être ce Saint Rieul, qui n’a jamais été mis en place. Premier évêque de Senlis, Rieul adopte les traits de l’abbé Lemaire, alors curé de la cathédrale dont on voit le clocher à l’arrière-plan. Conformément à la légende qui l’accompagne d’animaux, il est représenté avec une biche et une colombe le surplombe. Comme Couture en place souvent à l’avant de ses compositions, une nature morte florale se trouve à ses pieds. Une douceur un peu mièvre émane de ce tableau brossé avec des couleurs diluées et dépourvu d’empâtements puisqu’il n’est pas achevé. Le musée national du château de Compiègne vient de déposer au musée de Senlis l’esquisse de cette composition qui est ainsi exposée au public pour la première fois. Après les destructions révolutionnaires, la reconstitution du patrimoine mobilier de la cathédrale et sa remise en état dominent sur toute création contemporaine. Le Saint Rieul de Couture ne résulte pas d’un projet concerté, mais de données circonstancielles liées à son retour senlisien. Le 14 avril 1860, M. Arpillière, locataire de la Fabrique sous-loue à l’artiste un atelier dans la chapelle du chancelier Guérin au sein de l’ancien palais épiscopal. Ayant servi de magasin à fourrages, cet espace nécessite des travaux. Leur financement fait l’objet d’une négociation entre les deux parties : « L’intention de M. Couture est de décorer une des chapelles de l’église cathédrale de Senlis d’un tableau religieux peint à l’huile par lui, il espère que la Fabrique voudra bien prendre à sa charge une partie des dites dépenses d’appropriation [...][La fabrique], vue la promesse du tableau [...] consent à contribuer jusqu’à concurrence de cinq cent francs [...]aussitôt après la livraison du tableau » (archives de la Fabrique, communiquées par Claude Finon). Les modifications projetées concernent notamment des réparations dans la toiture, l’ouverture de baies au nord et au couchant. Le 17 février 1862, les archives de la Fabrique font état d’un règlement de huit cent francs de M. le Curé aux ouvriers de M. Couture. La Fabrique propose de payer la somme à M. Le Curé qui ne l’accepte pas à moins que l’artiste ne donne à l’église le tableau religieux qu’il avait promis. Comme d’habitude, des discussions surgissent entre Couture et son commanditaire : les frais d’aménagement sont plus coûteux que prévu et le Saint Rieul n’est pas toujours livré. L’abbé Lemaire semble pourtant à l’écoute des demandes de son illustre locataire puisqu’il engage les dépenses. D’autre part, pour lui complaire, il fait installer sur le palier, à l’entrée de la chapelle du chancelier Guérin, un mausolée de 1673 à l’effigie de Anne-Nicole Puget morte en couches qui se trouvait dans la cathédrale : « M. l’abbé Lemaire, curé de Notre-Dame, avait fait déplacer cette œuvre d’art estimable par gracieuseté envers Th. Couture, pour qui il venait de convertir la chapelle en atelier de peinture, et qui n’en fut guère reconnaissant » (Combaz Paul, Histoire de Senlis, 1923, p. 192). Le temps passe et le tableau, inachevé, ne sera pas livré. Il demeura dans la descendance du peintre qui l’offrit, dans les années 1910/20, au musée municipal de Senlis où il ne fut pas exposé avant 1997. La vie de saint Rieul a fait l’objet de diverses légendes et les dates même de son existence oscillent entre le Ier et le IIIe siècle. Avec saint Denis, il aurait fait partie de la première mission évangélisatrice envoyée par le pape Clément en Gaule à la fin du Ier siècle. De ce premier évêque de Senlis, plusieurs reliques sont conservées dans la cathédrale où une chapelle lui est dédiée. L'idée de représenter Rieul résulte sans doute de discussions entre l'artiste et les autorités locales, sans que l'on ait d'information sur ce point. On ignore de même à qui revient l'initiative d'avoir donné au saint les traits de l'abbé Lemaire, curé de Notre-Dame à cette époque. Ce desservant n'a pas laissé de traces marquantes au cours de son sacerdoce. Comme à son habitude, Couture aime mêler des détails de la réalité qui l'environne à des éléments établis de l'iconographie. Saint Rieul, dont la silhouette se détache à l’avant du clocher de la cathédrale, est accompagnée des animaux qui font partie de sa légende. Vêtu des habits sacerdotaux, coiffé de la mitre et tenant la crosse, il se tourne vers une biche et une colombe le surplombe. Pendant qu’il prêchait, trois oiseaux de cet espèce se seraient perchés sur les bras de la croix. Hasard sans doute calculé, Couture résidait à Senlis, à l’angle de la rue Saint-Pierre et des Pigeons blancs, anciennement des Colombes-Blanches. L'attitude et le geste du saint expriment une foi humble, au service des petits, qu'affectionne l'imagerie saint-sulpicienne caractérisée par une piété populaire et une douceur un peu mièvre. Le même climat habite une oeuvre contemporaine d'Ingres, Sainte Germaine Cousin, bergère de Pibrac, d’Ingres (1856, Montauban, église Saint-Etienne), comme le Saint Rieul de Couture. Conformément à ses habitudes, Couture a parsemé son avant-plan de fleurs sans autre but que décoratif. L'oeuvre adopte un format cintré en hauteur, proche des Pélerins d’Emmaüs de Jean-Baptiste Pierre, Sainte Catherine d’Alexandrie de Berthélémy et Saint Denis prêchant de Suvée, qui ornent plusieurs chapelles de la cathédrale à cette époque. Couture se situe dans leur lignée, tout en dépeignant un saint « local », ce qui les en différencie. Aboutie dans sa construction, l'oeuvre se présente au stade d'un frottis brossé sur la préparation qui affleure, dans une gamme de camaïeu gris, bleu et rose. Seules quelques zones, comme le visage de l’abbé Lemaire et la colombe, ont reçu des empâtements, d'autres laissent la toile en réserve. L’inachèvement de cette œuvre demeure finalement bien énigmatique tant le but semble près d’être atteint. (Bénédicte Ottinger, Catalogue raisonné de Couture, extrait, non publié). Documents iconographiques Premier évêque et patron de Senlis. “Les premières Vies de saint Rieul ont fait de lui un évêque missionnaire, envoyé en Gaule par le pape Clément à la fin du Ier siècle de notre ère avec Denis.” Il aurait fait partie de la première mission clémentine comprenant sept évangélisateurs en Gaule (Denis à Paris). “En résumé, saint Rieul était certainement un gallo-romain... Rieul était un confesseur et non un martyr... Il existe une première recension courte de sa vie en 850....Ces Vies nous permettent de placer l’épiscopat de Rieul après la paix d el’Eglise en 313. .. Ses fidèles l’enterrent dans l’église saint Pierre. ..Son premier miracle .. Clovis réclame une relique de l’évangélisateur de Senlis au moment de l’élévation de son corps. En arrachant une dent ds sa mâchoire, du sang jaillit....(E. Frutieaux, “Les origines de la collégiale St Rieul de Senlis”, SHAS, 1998, p. 166 et sq). Pendant qu’il célébrait sa messe à Arles (il existe aussi un évêque Rieul à Arles qui est sans doute le même que celui de Senlis selon Louis Réau, Iconographie de l’art chrétien), trois colombes blanches se perchaient sur les bras de la croix, les ailes tâchées de sang. Le Saint quitta Arles et se dirigea vers Senlis qui lui fut indiqué comme terrain évangélique. On notera qu’à Senlis, Thomas Couture habitait rue des Pigeons-Blancs, anciennement rue des Colombes-Blanches. Saint-Rieul est en général représenté avec un cerf ou un biche à ses pieds. “C’est que, après sa mort, le 30 mars, jour de sa fête, des cerfs, des biches, des chevreuils sortaient de la forêt et suivaient en procession les fidèles jusqu’à l’église où ils se plaçaient sur le tombeau du saint et y demeuraient tout au long de la messe, puis retournaient doucement dans les bois”. (photocopie non référencée au dossier d’oeuvre). Saint-Rieul est représenté ici sous les traits de l’abbé Lemaire (1819-1867), vicaire de la cathédrale à partir de 1844. Au dossier “abbé Lemaire” dans la série V des archives départementales de l’Oise, aucun élément qui fasse état d’un lien entre cet ecclésiastique et Couture, ni d’une personnalité exceptionnelle.