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Séraphine Louis dite Séraphine de Senlis

Séraphine Louis, Les grenades, vers 1915 © Ch. Schryve

Quatrième enfant d’un couple modeste, orpheline à sept ans, Séraphine Louis est domestique de 1881 à 1901 au couvent de la Charité de la Providence à Clermont-de-l’Oise. Séraphine de Senlis en conserve une empreinte religieuse forte, de la Vierge surtout qui lui aurait inspiré sa vocation d’artiste.

Sa présence à Senlis est attestée à partir de 1906. Séraphine Louis loge 1 rue du Puits-Tiphaine et travaille pour des familles bourgeoises. En 1912, le collectionneur et critique d’art Wilhelm Uhde, installé à Senlis, la prend pour femme de ménage. Il découvre que Séraphine de Senlis peint. La guerre les sépare.

En 1927, Séraphine Louis présente six toiles à l’exposition de la Société des Amis des Arts, à l’Hôtel de Ville de Senlis. Résidant alors à Chantilly, Wilhelm Uhde est frappé par ses œuvres et décide de l’aider. Le musée de Cassel en Allemagne acquiert un de ses tableaux en 1928, les Senlisiens achètent aussi ses œuvres. Séraphine de Senlis peint alors de grandes toiles foisonnantes, avec une technique mixte complexe à base de Ripolin et des thèmes de botanique diversifiés. Touché par la crise de 1929, Wilhelm Uhde cesse d’aider Séraphine Louis qui s’est lancé dans des dépenses excessives. Le 31 janvier 1932, Séraphine de Senlis est internée à l’hôpital psychiatrique de Clermont-de-l’Oise, à la suite d’une crise de folie. Séraphine de Senlis cesse de peindre et écrit de nombreuses lettres pour se plaindre car elle souffre d’un sentiment de persécution.

Séraphine Louis, Les grandes marguerites, vers 1929-1930 © Ch. Schryve

Séraphine de Senlis se distingue des autres Primitifs modernes par une psychologie déviante dont résulte une peinture tournée vers l’expression d’un monde intérieur, chargée selon Wilhelm Uhde de « confessions extatiques » (1928). En 1972 a lieu la première exposition monographique de Séraphine Louis à Senlis. En 2008, Yolande Moreau incarne Séraphine dans le film de Martin Provost qui remporte un immense succès et la fait connaître du grand public. Le musée d’Art et d’Archéologie comporte une dizaine d'œuvres de Séraphine de Senlis, offertes par Anne-Marie Uhde, déposées par le musée national d’Art Moderne ou acquises par la Ville avec le concours du FRAM.

Séraphine de Senlis et les Primitifs modernes

La découverte des Primitifs modernes est en grande partie l’œuvre de Wilhelm Uhde (1874-1947). A la pointe de l’avant-garde, ce collectionneur, critique d’art et marchand, allemand d’origine et français d’adoption, s’intéresse d’abord à Picasso, Braque et au Douanier Rousseau à qui il consacre sa première exposition en 1908. La première guerre mondiale l’oblige à quitter la France. Sa collection est confisquée, puis vendue en 1921. Après son retour en 1924, il promeut les peintres autodidactes Bauchant, Bombois, Vivin et Séraphine de Senlis qu’il appelle Primitifs modernes, refusant le qualificatif impropre de « naïfs ». Il leur consacre une exposition « Peintres du Cœur Sacré » en 1928, parle d’eux la même année dans Picasso et la tradition française, et leur consacre un ouvrage, Cinq maîtres primitifs (1947), articulé autour du Douanier Rousseau. Sa démarche s’inscrit dans l’un des courants forts de l’art depuis la fin du XIXe siècle, qui remise les dogmes de l’art savant au profit de cultures « autres », exotiques ou populaires. Sa défense d'un "génie du coeur et de l'intuition", éloigné "du talent de la raison et de l'intelligence", se trouve reconnue en 1948 à travers la création d’une salle qui porte son nom au musée national d’Art Moderne (palais de Tokyo). Une partie des œuvres qui la composait ont été déposées à Senlis en 1989 pour accompagner la donation d’Anne-Marie Uhde, en mémoire de son frère.

La peinture de Séraphine de Senlis

Les premières œuvres de Séraphine de Senlis représentent de petites natures mortes composées de fruits accrochés à un branchage. Sa palette de couleurs est alors restreinte mais elle fabrique déjà ses propres mélanges. Séraphine Louis dilue des agents colorants dans du Ripolin blanc acheté à la droguerie Duval à Senlis. L’usage de cette peinture industrielle très liquide et le fait que Séraphine de Senlis ose peindre alors qu’elle est domestique lui valent le plus souvent l’incompréhension de ses concitoyens, à l’exception de quelques uns d’entre eux comme l’illustrateur Charles-Jean Hallo.

A la suite de son succès à l’exposition senlisienne de 1927, Séraphine Louis crée de grands formats représentant une flore foisonnante et colorée, enrichie de plumes. Ses compositions se complexifient. Sa volonté de représenter fidèlement les motifs diminue. Sa végétation tropicale et paradisiaque arbore des couleurs flamboyantes et lumineuses. Séraphine de Senlis reste fidèle au Ripolin bien qu’elle utilise aussi la peinture à l’huile et qu’elle maîtrise son maniement compliqué. Séraphine de Senlis fixe sur la toile sa « réalité intérieure », empreinte de son attachement à la nature et à ses aspirations spirituelles. A la lisière de l’abstraction, les œuvres tardives plus tourmentées annoncent un déclin mental qui mettra un terme à toute création picturale.

Séraphine Louis, Orange et trois quartiers d'orange, vers 1915

Séraphine de Senlis en quelques dates

3 sept. 1864 - Naissance de Séraphine Louis à Arsy (Oise), quatrième enfant d’un couple modeste. Orpheline à sept ans, elle est recueillie par sa sœur aînée, Argentine Geurts.

1881 - Domestique chez les Sœurs de la Charité de la Providence à Clermont-de-l’Oise où Séraphine de Senlis reste jusqu’en 1901. Empreinte religieuse très forte, de la Vierge surtout.

1906 - Séraphine Louis s’installe 1 rue du Puits-Tiphaine. Domestique dans des familles bourgeoises.

1912 - Séraphine de Senlis travaille chez Wilhelm Uhde. Peint des motifs floraux sur des pots, des assiettes, du carton et de petites toiles.

1927 - Séraphine Louis présente six toiles à l’exposition de la Société des Amis des Arts, à l’Hôtel de Ville de Senlis. Wilhelm Uhde, installé à Chantilly, la retrouve et l’encourage. Peint alors de grandes toiles foisonnantes, notamment avec du Ripolin.

1928 - Pour la première fois, un musée achète une des toiles de Séraphine Louis (musée municipal de Cassel, Allemagne). Ses peintures sont aussi collectionnées par des Senlisiens.

31 janv. 1932 - Crise de folie et internement à l’hôpital psychiatrique de Clermont-de-l’Oise, puis à son annexe, Villers-sur-Erquery. Séraphine de Senlis cesse de peindre, écrit de nombreuses lettres pour se plaindre.

11 déc. 1942 - Décès. Séraphine Louis est enterrée dans la fosse commune du cimetière de Clermont.

1948 - Création de la salle Wilhelm Uhde au musée national d’Art Moderne, Paris. Deux œuvres de Séraphine de Senlis y figurent.

1972 - Première rétrospective de Séraphine Louis à Senlis.

2008 - L’actrice Yolande Moreau incarne Séraphine Louis au cinéma.

SUR LES PAS DE SÉRAPHINE À SENLIS

Portrait réalisé par le docteur Gallot (qui a connu Séraphine) en 1969. 
© Institut National de l'Audiovisuel

Video Mapping Festival #4 : Dans les mains de Séraphine

En octobre 2021, le Video Mapping Festival s'est arrêté dans la ville de Senlis. Séraphine Louis a été mise à l'honneur lors d'une vidéo de 3mn, où son travail et son œuvre trouvent un tout autre relief sous les lumières de Susie Lou Chetcutie et l'équipe du festival.

Video Mapping Festival : Dans les mains de Séraphine

Video Mapping Festival #4 : DANS LES MAINS DE SÉRAPHINE, MUSÉE D’ART ET D’ARCHÉOLOGIE, SENLIS - octobre 2021 from Rencontres Audiovisuelles on Vimeo.